Halloween 2022 : Je lance un jeu avec ma commu twitch/discord, où chaque participant doit me donner 3 mots qui pour lui représentent le mieux Halloween. Puis je dois concevoir une histoire à partir de là et j’envisage de la lire en live twitch le soir d’Halloween. Plus l’écriture avance, plus je me dis que je pourrais relier le texte à certaines légendes Irlandaises. C’est là que tout prend forme.
Chapître 5.
La lune était pleine. L’apogée des festivités pouvait avoir lieu.
Mais aucun cœur n’y était.
La veille, le représentant du Dieu Unique, Patrick, avait fait montre d’une résilience qui avait surpris jusqu’au Roi Laoghaire. Malgré toutes les tentatives d’élimination, des assassins au poison, malgré le rejet que quasiment tous lui jetaient au visage, il avait pu rejoindre le banquet, et festoyer, tout en humilité apparente.
Il avait démontré comme l’ère des Tuatha Dé Dannan était à présent révolue, que le Dieu Unique englobait les pouvoirs du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint, et que toute la lande appelait à sa vénération en se couvrant de trèfles, dont les trois feuilles représentaient la sainte trinité.
Que toute la Nature, la source des pouvoirs de NOS Druides, réclamait, devant nos œillères, d’altérer nos croyances.
Le pouvoir avait changé de main. Le doute suffisait à décrédibiliser nos Dieux, nos siècles de légendes.
Doute que même nos druides aidaient à attiser, à leur insu. Chaque fois que notre Roi quémandait une preuve de la supériorité du Dieu Unique ou des Nôtres, par l’utilisation des quatre éléments naturels, nos Druides fuyaient la rencontre en arguant que le Dieu Unique manipulait chaque élément.
S’il les manipulait suffisamment bien pour contrer la puissance de nos propres Dieux, comment ne pas croire en sa supériorité ?
Comment continuer à croire en Nous ?
Patrick lui-même était plus sûr de son Dieu que nos Druides. Rien ne semblait l’effrayer. Rien ne semblait le faire douter. L’aura de certitude et d’humilité qu’il dégageait le rendait appréciable pour nous tous, malgré ses dires.
Même le Roi flancha.
Ce banquet serait sûrement le dernier. Rien n’y avait de goût, sinon celui des larmes.
Les Druides s’étaient retirés près de Lia Fáil, et éclairaient aux braseros leurs injonctions silencieuses aux Dieux.
Les Bardes pinçaient leurs cordes sans rythme, sans harmonie, et l’on pouvait entendre leurs notes mourir au loin, esseulées.
Le Roi restait assis, le visage calé sur une main, le regard voilé de vide. De là où j’étais, dissimulé dans les ombres de la Butte des Otages, il ressemblait à une statue de pierre.
Peut-être son cœur et son âme s’étaient desséchés en cette nuit fatidique.
Depuis mon Passage j’avais toujours, je crois, participé aux autres assemblées. Ce que m’infligeait cette nuit réveillait en moi des souvenirs brumeux de festivités enjouées. Sahwin me rappelait toujours à mon humanité, perdue depuis longtemps, aux sentiments que je n’éprouvais plus.
Aux joies que j’avais oubliées.
Aux peines aussi.
Mais celle-ci avait un goût amer, celui du ‘plus jamais’, l’odeur de la fin.
Je sais aussi que ma mémoire ira vacillante, qu’une fois de retour au Sidh j’irai probablement jusqu’à tout oublier. J’aimerai garder ce souvenir, mais je n’ai pas le pouvoir de choisir.
Nos Druides ne jurent que par l’oral, persuadés que leurs traditions ne prendront jamais fin, qu’il y aura toujours un élève à qui apprendre tout ce qu’ils savent, et qui lui-même l’apprendra à d’autres.
Mais… Et s’ils avaient tort… Si cette nuit était notre dernière nuit…
Si demain, toute la lande oubliait jusqu’à notre existence…
Et que même nos Dieux nous oubliaient, comme nous allons les oublier… Peut-être devrai-je inscrire tout ceci quelque part, le graver dans la pierre là où je pourrai le retrouver un jour, ou prendre une peau de bête et la couvrir de sang en représentation de cette dernière Assemblée de Tara.
J’ai l’étrange sensation qu’elle le mérite, qu’elle représente un tournant dans notre histoire.

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