Game of Snows – III

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Se coltiner tous ces machins à longueur de journée devenait routine pour La Brute. Lui qui avait servi dans plusieurs armées, lui qui avait participé à plusieurs guerres, gagnantes ou perdantes, lui qui avait été le Garde du Corps personnel de chaque Roi à la destitution du dernier Gonzaryen, lui qui avait déjà arraché une tête du reste de son corps tout en buvant un café de l’autre main, il en était maintenant réduit à faire le ménage.

Heureusement, pas la poussière et tout ça, bien qu’il aurait aimé un travail plus calme, non, le ménage des corps. La moitié du temps, des corps encore tièdes. L’autre moitié du temps, encore chauds puisque toujours en vie avant lui.

Sa rébellion lors de l’arrivée de Serre-Selles sur le trône lui avait valu sa place. Après tout, il s’y attendait. Dire à la Reine tout juste couronnée qu’il préfèrerait encore manger ce qu’il avait chié ces dix dernières années plutôt qu’être son Garde du Corps et voir sa tête de fion chaque jour, allait forcément être mal interprété.

Il s’était entraîné pendant plusieurs jours pour que son effet dramatique ne tombe pas à plat le moment venu.

Et ça n’était pas tombé à plat. La Reine elle-même n’avait rien fait, rien dit, étant donnée son habitude de ne jamais se fatiguer. Mais quelques temps après, il découvrit que la chambre dans laquelle il logeait avait vu sa serrure changée, qu’il n’était plus convié à aucune réunion de service, que les autres membres de la Garde Royale l’évitaient et l’ignoraient autant que possible, et que même son mentor semblait avoir disparu du Royaume.

Il avait fini par vivre à l’écurie, reclus de tous, les chevaux-même faisant mine de ne pas le voir.

Puis, un matin, il s’était réveillé dans la forêt. Il n’avait compris comment il était arrivé là qu’après avoir lu la lettre accrochée autour de son cou.

Ça lui avait pris un certain temps, forcément, quand on ne sait pas lire. Il avait dû demander au tout-venant, un mot après l’autre. Puis il avait reconstitué le puzzle. Elle l’avait jeté.

La Salope. La Reine des Salopes.

Elle lui avait craché à la gueule en douce. Elle l’avait planté dans le dos. Lui, au moins, il avait eu le cran de lui dire en face. Il avait pris le temps, soit, mais il l’avait fait. Mais elle…

‘Même ta salope de mère était moins une putain que toi.’

Depuis, il avait dû remonter chaque barreau de l’échelle sociale. Au moins, maintenant, il savait lire. Ça lui donnait un avantage non négligeable sur les autres. Il s’était rasé la barbe et coupé les cheveux. Personne ne l’avait jamais vu comme ça, donc personne ne pourrait jamais le reconnaitre.

Il avait eu peur que ses yeux vairons le trahissent, aussi. N’ayant pas eu le courage de se crever un œil, il avait préféré cacher le bleu acier avec un bandeau de pirate. Et pour éviter une révélation malencontreuse, il s’était cousu les paupières avant de placer le bandeau dessus.

C’est là qu’il apprit la délicatesse. Il eut la confirmation que ce n’était pas fait pour lui, mais c’était ça ou perdre un œil.

Ça aurait fait vachement réaliste. Peut-être un peu trop.

Et ça aurait sûrement piqué aussi. Peut-être un peu trop.

Même Littletopheur s’était pris d’affection pour cet homme qui n’avait pas un mot plus haut que l’autre, et parlait peu, alors qu’il ne lui avait jamais jeté un regard auparavant. Il savait que le bras-droit de la Reine ne le reconnaitrait jamais, puisqu’il ne l’avait jamais connu.

Il n’y avait pas plus facile pour s’approcher d’elle.

Et se venger.