Game of Snows – I

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Même à quatre pattes, il n’arrive pas à les distancer. Ils sont toujours là.

Se cachant dans les fourrés, slalomant entre les arbres, à plat ventre dans les plaines, feignant la mort en faisant la planche dans les rivières, toujours, toujours, ils sont là. Avant lui, pendant lui, après lui. Ils sont toujours là.

Où qu’il aille. Quoiqu’il fasse. Ils sont là.

Et ils ne ressemblent à rien. De loin, on dirait des humains. Des gens comme Maître. Mais de près…

Ils marchent pas, non, ils glissent sur le sol.

Un peu comme la vieille dame handicapée qu’il a suivi des fois, parmi les tentes des Sauvageons. Celle qui a une jambe qui glisse derrière elle, comme si elle était à peine accrochée au reste de son corps.

‘Traîne-la-Patte’ qu’ils l’appellent, les humains. Pas Maître, non. Lui il est gentil. Lui il l’insulte pas.

Lui il l’appelle par son vrai nom. Et elle vient le voir à chaque fois avec un demi-sourire sur le visage, parce-que de l’autre côté, sa joue traîne un peu derrière elle aussi.

Non, Maître est gentil. Et elle le sait. Des fois, elle pleure quand il lui parle, d’un seul œil d’ailleurs, comme pour le sourire. Mais pas parce qu’il a été méchant, non. Elle pleure tout en étant contente. Et c’est à chaque fois qu’il lui dit la même chose, quand il dit ‘Je t’aime, Maman.’

Mais ceux-là, ‘les drôles d’humains’ comme Saib les appelle dans sa tête, ils ne sont pas comme Madame Maman. Ils traînent la patte, la bouche, l’œil, le bras aussi, et des fois tout en même temps d’ailleurs, mais ils ne sourient jamais.

Enfin si, des fois ils sourient, et ça lui fait peur à Saib. C’est drôlement malsain quand ils sourient eux. Y’a même des dents qui tombent des fois. Et d’autres trucs aussi d’ailleurs.

Ça lui coupe un peu l’appétit. Et quand on sait que Saib il mange son caca, et des fois aussi tous les cacas qu’il trouve, bah ça devient fortiche d’arriver à lui couper l’appétit.

Non, ils ne sont pas comme Maître ces humains-là. En plus ils ne parlent jamais. Jamais. Ils font des bruits bizarres. Des fois ils grognent, des fois ils font claquer leurs dents, d’ailleurs des fois ils ne font même pas de bruit et ils surgissent de nulle-part. C’est vraiment de drôles d’humains.

A cause d’eux, Saib n’ose plus rejoindre Maître. Il a peur que ces gens-là cherchent à lui faire du mal. Et il ne saurait même pas se défendre.

D’ailleurs c’est ce qu’elle dit tout le temps La Dame ‘Tu sais rien Jaune Rataneige.’

Des fois Saib se demande pourquoi La Dame appelle Maître ‘Jaune’. Il n’est pas jaune.

La Dame saurait se défendre contre les drôles d’humains, elle. D’ailleurs Saib aurait bien été la chercher, pour voir le carnage que ça ferait.

Mais La Dame elle en veut un peu à Saib depuis qu’il a fait caca sur son gilet en peau de mouton. Elle a pas compris que c’était pour la remercier d’avoir sauvé Maître. Encore une fois.

Parce que bon, Saib, il peut pas le faire tout le temps tout seul vu que Maître, si à un moment il a eu La Chance, ça doit faire longtemps que soit elle s’est assommée avec une pelle à tarte en voulant se couper un bout de gâteau pour manger avec son thé, soit elle s’est étouffée dans son vomi. Peut-être même les deux.

Ces drôles d’humains, ils sont quand même partout. A croire qu’ils suivent Saib.

Non, pire…

A croire qu’ils le précèdent.