Ekklypse

‘Alors c’est toi, Drogash ?’

La fine silhouette restait cachée dans les ombres, grognant de plus en plus fort à chaque pas qui lui rapprochait Daenexa.

La jeune femme ne savait pas comment elle avait pu retrouver le Starkashekran. Par désespoir, peut-être, elle avait envoyé Caneton avec la mission de repérer la trace de cet homme, comme si le palmipède zombie avait été un chien de chasse, ou un cochon truffier. Puis attendant son retour, évitant d’ouïr les cris de terreur des habitants croisant le chemin de l’animal, elle avait déambulé dans le comté, l’oreille aux aguets.

Longeant l’orée d’un petit bois, elle avait entendu des bruits de combats, et s’était senti l’envie d’en découdre.

Arpentant en silence les petits chemins sentant la noisette, épées aux mains, elle était tombée sur une étrange rixe. Une masse de muscles, verte et gigantesque, combattait, juste une peau de loup cachant sa nudité, une amazone à la poitrine tombante, aussi large que haute, dont une balafre ornait déjà la lèvre. Pour Daenexa, le combat ressemblait à la façon dont les Barrbarrios font la cour aux femelles qu’ils courtisent. La masse de muscles était adossée à un énorme tronc d’arbre coupé en deux dans le sens de la hauteur. Elle semblait acculée.

‘Je suis Prisci-La-Hun ! Et ta forêt, je vais en faire un tas de cailloux !

– Essaie donc d’approcher pétasse…’

Le ballet prit fin lorsque la brute verte attrapa l’amazone par les oreilles et lui arracha le visage d’un coup sec. Elle tomba à terre inerte, telle une bouse lâchée sur un pavé. Finalement, faire la cour à la Barrbarrios n’est pas donné à tout le monde.

‘Est-ce bien toi ? Ce ne peut être que toi.’

Daenexa s’approchait dangereusement de la silhouette tapie dans l’ombre, et ayant retrouvé une masse commune, voire très mince après la fin du combat, mais grognant toujours à son approche. Elle semblait ne ressentir aucune peur envers cette bête farouche. Elle approcha sa main jusqu’à lui caresser une joue.

‘Qui es-tu ? Est-ce courage ou insouciance de ta part d’oser t’approcher de moi après ce que tu viens de voir ?

– Je suis Daenexa. Je viens de la part de ton père. Il implore ton retour.

– JE N’AI PLUS DE PERE !’

Malgré la fureur que la voix de Drogash exprimait, Daenexa prit son visage entre ses deux mains et posa un baiser sur son front. L’homme ferma les yeux.

‘Je n’ai aucune idée de ce qui vous a séparés, mais je sais une chose : Ton père t’aime, et tu lui manques mortellement. Rentre avec moi te faire ta propre idée si tu ne me crois pas, tu seras ensuite libre de repartir.’

Drogash expira fortement.

‘Je te suis alors. Mais s’il s’avère que tu m’as roulé, tu subiras le même sort que cette catin.’

Daenexa se retourna, le visage impassible, prit Drogash par une main et l’emmena vers le Palais.

‘Compare-moi encore une fois à cette chose, et tu regretteras amèrement d’avoir survécu à votre ersatz de combat.’

Suivant la Barrbarrios, Drogash resta songeur à cette dernière phrase, tout en ne pouvant empêcher un sourire de poindre sur ses lèvres.