La Pierre de Mâal – Chapitre Deuxième – Acte IV

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– La créature était parvenue à tuer des guerriers. Ceux restants sur leurs pieds, ensanglantés par leur fluide de vie et celui de leurs compagnons, continuaient à fendre au mieux la chair du Démon. Les mages, Carien en premier, comprirent qu’ils devaient accélérer leur sortilège s’ils voulaient épargner des vies. Alors Carien choisit de mêler à la magie ancestrale son puissant psy. Le développement de leur immense lame de glace accéléra, et sa taille s’en trouva doublée.

– Mais le sortilège était à présent à la vue de tous, Démon compris, et ce dernier fut pris d’une peur panique et choisit alors de fuir. Il déploya ses ailes immenses, ramassa un cadavre au sol et, d’un bond, se propulsa dans les airs. Flottant alors hors d’atteinte des épées, et malgré la douleur, il se dirigea à reculons vers les Monts Rochesombre, dans le but de s’y dissimuler, le corps de l’un de ses anciens assaillant en main. Il pensa alors avoir le temps de soigner ses blessures en se nourrissant de sang humain, tout en continuant à reculer vers sa cachette.

– Le Démon, dévorant un des guerriers, avait ralenti son vol. C’est le moment que choisirent ceux encore au sol pour ranger leurs épées et sortir arcs et flèches. Ils décochèrent alors sur le monstre une pluie mortelle d’acier enchanté par les puissants sorts elfiques. Chaque flèche perforant ses membres lui faisait perdre de sa force. Il finit par cesser de se nourrir pour pouvoir reprendre son vol. Pendant ce temps les mages continuaient à incanter leur puissant sortilège.

– Le monstre venait de passer au-dessus de Venozie, le village des talentueux forgerons, lorsque les guerriers arrivèrent sous ses pieds. Ils avançaient finalement bien plus vite que le démon ne volait, et se placèrent en-dessous de lui pour l’encercler de leur nuée de flèches, espérant ainsi bloquer son avancée vers les montagnes. Le démon ne l’entendait pas de cette oreille et lâcha le corps sans vie qui avait renouvelé en partie son énergie. Puisant dans son psy, il invoqua un déluge de roches enflammées sur les guerriers et la ville proche.

– L’effet dévastateur ne se fit pas attendre. Sous le choc des roches brûlantes martelant le sol, les guerriers se retrouvaient jetés au sol par les violentes déflagrations, et jusque dans ses fondations, Venozie trembla. Le Démon voulait en finir une fois pour toutes. Il se savait vaincu s’il n’usait pas de ses derniers pouvoirs, alors il continua à lancer ses boules de feu et de pierre sur les humains. Aucun ne devait se relever.
L’attaque prolongée éradiqua des terres les valeureux guerriers, Venozie, et ses habitants. La créature avait redirigé quelques boules de feu vers les mages incantant encore leur attaque. Tous périrent dans la douleur et la peur, incapables de fuir sans risquer de briser leur sort, seul Carien resta debout, malgré ses blessures, à parachever son œuvre. Lorsqu’il ne resta plus qu’eux deux debout, le Démon su qu’il avait gagné la bataille. Et pourtant…

– Tandis qu’un large sourire ornait le visage de la créature victorieuse, celle-ci prenant le temps de savourer la défaite de ses opposants, avant de s’en assurer, Carien concentra magie, psy, et toute son énergie physique dans la lame de glace qu’il maintenait en lévitation à bout de bras. Puis, lorsqu’il comprit être arrivé au terme de ses capacité, il lança sa création sur le Démon, de toute la puissance de sa haine à son encontre.

– Prise par surprise, la créature n’eut que le temps de tendre ses bras vers la lame, pensant la retenir ainsi. Mais cette dernière était encore plus affûtée que si elle avait été faite d’acier, et elle trancha tout d’abord ses bras avant de s’attaquer à son torse. Le Démon n’eut même pas le temps d’exprimer sa douleur, les deux parties de son corps tombèrent au sol comme deux poids morts flasques.
Carien ramassa une épée sur le corps d’un de ses compagnons, s’approcha de la créature et enfonça d’un coup la lame dans son crâne, juste au cas où, puis il la retira, lui trancha la langue en guise de preuve de son exécution, et fit demi-tour.

– De retour à la Cité d’Opale, il fut accueilli comme un héros, l’allégresse de la victoire cédant constamment sa place à la tristesse d’avoir perdu ses compagnons d’armes.
Lorsqu’Yssandre Onndini pérît, les Opalii choisirent d’une seule voix leur nouveau roi en la personne de Carien. Il était leur sauveur, leur dieu vivant.
Et une fois aux rênes de la cité, il choisit d’y faire quelques modifications architecturales en hommage à la Grande Bataille et à ses défunts, pour que personne n’oublie jamais les sacrifices qui avaient été faits pour le bien de tous.
Après l’établissement des Fondations, la Cité D’Opale changea de nom, plus rien ne la raccordant à l’ancienne ville. Elle devînt alors Cariena.
Et de nos jours encore, Carien nous protège.’

*

Lorsque le spectacle prit fin, les adolescents conteurs saluèrent leur assemblée. Elèves et professeurs se levèrent, applaudissant la représentation.
‘Que voilà une bien belle interprétation de notre histoire. Mes enfants, vous me remplissez de fierté !’
Le professeur de théâtre, les larmes aux yeux, embrassait ses étudiants fougueusement. La Directrice prit la parole.
‘J’ai par moments eu peur que vous ne divaguiez un peu trop, mais vous nous avez offert un magnifique spectacle. Vous viendrez me voir demain pour choisir vos récompenses.’
Bien que seule la moitié des participants ait vraiment fait sensation, il était convenu que tous les participants soient valorisés.

*

Entre les bras de son frère, Sonya était heureuse. Sous les vivats et les acclamations de ses camarades, elle se sentait bien plus adaptée qu’à l’accoutumée. Mais malgré toute cette joie, un poids pesait sur son cœur, et elle ne savait pas pourquoi.
Au fond de la salle, loin des chahuts, Vodan gardait un œil sur elle.