La Pierre de Mâal – Chapitre Deuxième – Acte III

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Alors Sonya se leva à cette demande. Elle connaissait suffisamment son frère pour s’être préparée à devoir intervenir dans le conte. Mais elle avait appréhendé de devoir raconter cette partie de l’histoire.
‘Les hommes d’Yssandre se savaient repérés. La créature ne devait pas les avoir vus, mais elle les avait sentis. Qui sait ce qu’elle risquait de leur faire ? Mieux valait fuir. Certains prirent le temps de sortir leurs armes blanches avant de rebrousser chemin. Lorsqu’ils se retournèrent vers la Plaie, ils n’y virent plus que le cercle de créatures d’Outre-Lieu. L’absence de lune ne leur permettait pas de voir plus loin que l’entourage des flammes, toujours éructées par la Plaie, alors ils accélérèrent une course qui les mena droit sur la créature.
Elle les avait sentis.
Vus.
Et devancés.
Deux hommes se ruèrent sur elle, lame en avant, mais ne parvinrent qu’à briser leurs armes sur sa carapace dure comme la pierre. Elle n’eut qu’à lever un pied, pour pouvoir les écraser avec. Il ne resta rien d’eux qu’une bouillie informe. Deux autres, apprenant des erreurs de leurs frères d’armes, rengainèrent leurs armes et usèrent de psy à la place. La créature étant née dans les flammes, la glace se devait d’être son point faible. Ils conjuguèrent leur talent pour créer un épieu gelé qu’ils propulsèrent, à deux, vers le torse du monstre. Ils y mirent toute leur énergie ; quitte à mourir, autant le faire en héros. L’épieu perfora le torse de la créature qui hurla de douleur, puis alla se planter dans le sol non loin. Fou de rage, le monstre leva une main au-dessus de sa tête,’ Sonya en fit de même ‘et invoqua en sa paume les flammes par lesquelles il naquit.’ Une minuscule étincelle se forma au creux de sa paume, mais elle parvint à la dissiper aussitôt.

‘Puis il déchaîna une douche de feu sur les deux hommes affaiblis qui avaient osé le blesser. Il ne restait plus qu’un éclaireur, apeuré, esseulé, acculé. Lorsque la créature s’approcha de lui à grands pas, il ne put même pas se déplacer, il était bien trop paralysé par la terreur. Elle approcha son immonde face du pauvre hère, et huma ses effluves. Lorsqu’elle ouvrit grand sa gueule nauséabonde, il faillit trépasser d’effroi, mais au lieu de le dévorer, elle lui parla :
– Si toute ta race est aussi goûteuse qu’elle en a l’air lorsque la peur l’envahit, alors je vais me faire un plaisir de vous dévorer un par un. Mais d’abord, je veux que vous ayez tous peur de moi… à la folie !
La créature prit alors entre ses mains un homme hurlant de désespoir, et lui dévora les deux bras, avant de le reposer au sol.
– Maintenant que je me suis assez sustenté pour soigner ce que tes amis m’ont fait, tu peux retourner chez les tiens et, surtout, n’oublie pas de leur dire que j’arrive.
La créature éclata d’un rire tonitruant avant de prendre son envol, et de rejoindre les abominations qui l’avaient précédée.
Lorsque l’éclaireur arriva en sang dans la Cité d’Opale, et qu’il mourut dans les bras d’Yssandre Onndini sans avoir pu dire un mot, alors ce dernier décida d’envoyer ses meilleurs hommes au combat.’

Une fois Sonya parvenue au terme de sa partie de conte, les quatre autres étudiants quittèrent leurs positions figées et la rejoignirent. Chacun choisit un autre élève parmi ceux qui les entouraient, et ils reprirent leur histoire. Chacun se devait de jouer un des rôles importants de la Grande Bataille : Yssandre Onndini, la Reine de Heurtombre, le Prince de Brisecolline, le Démon, ainsi que Carien et ses cinq compagnons d’arme.
De leurs voix conjuguées naquît le sanglant épilogue de la Grande Bataille.

‘Yssandre parvint à convaincre son ex-épouse, Roselia Lisoren, la Reine de la cité de Heurtombre, de sélectionner ses meilleurs guerriers et de les associer aux siens pour combattre le démon. La même demande fut adressée à Sial Vo’Dâhn, le Prince de Brisecolline et Chef de Guerre des Elfes, qui mit à la disposition de la petite armée du roi de la Cité d’Opales force rituels et sortilèges ancestraux usant de Magie.

Quatre Opalii prouvèrent au Roi leur vaillance et leur bravoure, leur force physique pour deux d’entre eux, et leur puissance magique pour les deux autres. Parmi eux Carien, sain parmi les sains, celui qui deviendra plus tard notre sauveur. Un mage et un guerrier vinrent de Heurtombre, soutenir les combattants. Inquiets du devenir des Terres Pourpres, les Venoziens apportèrent leur aide par le don d’armes et armures multiples, d’une qualité encore inégalée. Tandis que le Démon marchait vers la Cité d’Opale, accompagné de son armée de terreur, les six guerriers avançaient à sa rencontre.

– Le choc fut brutal et dévastateur. Alors que les guerriers de corps-à-corps pourfendaient les créatures moins résistantes que leur maître, les mages, eux bloquaient de leurs puissants sortilèges les assauts du Démon, tout en arrosant ses suivants de projectiles de glace. L’armée humaine prit l’avantage sur les créatures d’Outre-Lieu, mais ce ne fut ni sans maux, ni sans heurts.
Ils parvinrent, tous sans exception, à éliminer les monstres et, malgré leurs plaies béantes, se regroupèrent face au Démon. Tous voulaient braver la mort, voire aller au-delà, dans le seul but d’anéantir la créature qui risquait d’annihiler leurs terres et familles. Et la promesse qu’ils avaient faite à leurs souverains respectifs, trouver et détruire la créature au péril de leur vie, renforçait leur volonté.

– Les sortilèges d’entraves perdaient de leur efficacité au fur et à mesure que les mages les avaient utilisés sur le Démon. A présent celui-ci était non seulement capable de briser ses chaînes magiques, mais aussi de riposter aux assauts des humains. Il hurlait de rage lorsque les coups d’épées, cette fois-ci, fendaient sa chair jusqu’à éclabousser ses assaillants de son sang impur. Les mages continuaient leurs incantations, mais il s’avérait que la créature leur était maintenant insensible.
Sous les assauts répétés des guerriers aux armes enchantées, le Démon se vidait de sa substance. Lorsqu’il aperçu les mages en train de focaliser leur magie au même endroit, il comprit que l’attaque suivante serait certainement la dernière. Comment de simples créatures mortelles avaient pu, en si peu de temps, trouver suffisamment de pouvoir pour le vaincre, il n’en avait cure. Il voulait juste survivre. Dans un accès de démence, il se défendit comme un diable, et reprit un peu confiance lorsque les gorges de quelques humains se vidèrent de tout leur sang sur ses pieds.