La Pierre de Mâal – Chapitre Deuxième – Acte I

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‘Les enfants, écoutez-moi.’
Sous la Serre-Culture, les cloches de Cariena résonnaient dans toute l’école. Les écoliers et étudiants avaient l’habitude, pour la plupart, de ce genre d’alerte. Mais celle-ci ayant lieu juste à la fin des cours, la nervosité se faisait sentir. Les professeurs et Dame Thusard les avaient tous réunis dans le Grand Hall, avec une petite idée pour les faire patienter à l’abri. La Directrice reprit.
‘Comme vous avez pu l’entendre, nous avons une petite alerte. Je sais bien que vous auriez fortement préféré rentrer chez vous, mais une tempête s’approche à grand pas, et je me fais un devoir de vous garder à l’intérieur pour l’instant. Je m’en voudrais si l’un de vous… tombait malade par ma faute.’
La peur du Fléau fit naître le silence dans le hall.
‘Pour vous faire patienter un peu, et voir si vous apprenez bien vos leçons, j’apprécierai que nous fassions un petit jeu centré sur la Grande Bataille. Vos professeurs et moi-même participerons avec vous et, bien qu’il n’y ait aucune notation à la clé, les participants seront récompensés.’
Enfants et adolescents se mirent à applaudir l’idée de leur directrice. Quitte à devoir attendre dans l’école, autant le faire en s’amusant un peu.
‘Je vais donc laisser la parole à vos professeurs d’histoire.’
Les trois hommes échangèrent quelques regards, parlèrent à voix basses un court instant, puis le plus âgé prit la parole.

*

Au milieu de tous ses camarades, Sonya n’en menait pas large. Du haut de ses quinze ans, elle savait pertinemment que ce genre d’évènement était l’occasion pour Sieur Vodan, leur professeur de motricité de repérer leurs problèmes, mais aussi leurs capacités cachées. Sa mère avait réussi, pendant des années, à la faire passer pour une enfant normale, ce jour il ne tenait plus qu’à elle de garder son psy naturel dissimulé. Il en allait de son avenir.
Son psy, que ses ancêtres nommaient par erreur Magie, s’était révélé dès son plus jeune âge. Il lui fallut des années pour apprendre à maîtriser ce qui lui permettait de manipuler le feu. Elle parvenait même, à présent, à sculpter les flammes à sa guise. Mais lorsque la fatigue, et la nervosité, l’envahissaient, elle risquait de perdre le contrôle, et non seulement de suffisamment nourrir une petite flamme en énergie, et en faire un immense brasier, mais aussi de créer des boules de feu de toutes pièces. Sa mère l’avait prévenue que les porteurs de Psy étaient en voie d’extinction, car ce pouvoir était fortement avare en énergie, et qu’un mauvais contrôle pouvait être néfaste pour la santé. De plus, les porteurs fatigués avaient la réputation d’être des hôtes de choix pour le Fléau. A cela, il fallait aussi ajouter la rumeur racontant que Carien aimait à trouver des porteurs naturels pour des tests de toutes sortes. Beaucoup de raisons de ne pas dévoiler ses capacités à n’importe qui.
Dans l’école, certains avaient droit à des cours de Psy, leur permettant de développer des capacités hors de la normale. Ces élèves étaient choisis en fonction de leur personnalité, et rejoindraient plus tard l’armée de Carien.
Mais de ce qu’elle avait pu voir, même un étudiant de vingt ans en dernière année de Psy était bien loin de pouvoir faire ce dont elle était déjà capable.

*

 ‘Nous allons revoir vos connaissances de la Grande Bataille. Nous allons faire un petit jeu de rôles, où le maximum d’entre vous participera. Les plus jeunes peuvent se limiter à regarder, où à donner des idées s’ils le désirent.’
Le vieil homme toussa discrètement, puis reprit.
‘Bien, je vais placer le contexte, et vous laisser ensuite vous débrouiller. Nous sommes à la fin de l’Ere Martiale. La Cité d’Opales et Heurtombre ont mis fin à leur guerre séculaire. Venozie n’est plus en mesure de fournir suffisamment d’équipements aux deux cités, leurs armées sont mises en déroute même par de simples bêtes sauvages. La Trève commence, et s’avère la seule solution possible dans l’état actuel des choses. Et bien trop de morts inutiles ont été déplorées.
Le moral des troupes, et des habitants, des deux cités est au plus bas…’
Une main, levée au-dessus de l’assemblée d’élèves, s’agite.
‘Une question ?
– Oui monsieur. Est-il vrai que Venozie était un village de Skäls ? Si c’est le cas, pourquoi est-ce que les deux cités ont osé s’associer à eux ?’
Le vieil homme ferma les yeux tout en se malaxant le haut du nez.
‘En fait…’ il prit une inspiration, puis rouvrit les yeux ‘En fait les Venoziens étaient tout aussi normaux que nous. Ils étaient juste plus doués dans l’art de la forge. Leur talent était tel que toute armée ne voulait être équipée que par eux…
– Donc ce n’étaient pas des nains ?
– Non. Non, non, non, non. Les nains n’apparurent qu’après le Fléau. Mais continuons. Le moral des troupes et des habitants est donc au plus bas, et tandis qu’Yssandre, le Roi de la Cité d’Opale, prépare une année de festivités pour réconforter ses citoyens, un mois de nuits sans lune s’écoule, jusqu’à celle où la Plaine du Jour s’illumine comme en pleine journée… A vous maintenant.’