
Ses pas l’emmenant vers la ville, Roshynn était sorti de la base. Pendant la discussion qu’Yggturah avait entretenue avec Dame Lys, lui avait fouillé tous les ouvrages possibles sur les Révélations. Il n’aimait pas rester sur un échec et, malgré le support de son chef, il fallait avouer que les attaques de Viktor lui étaient restées en travers de la gorge.
Il avait repéré, dans tous les textes, un dessin étrange qu’il était persuadé d’avoir déjà vu quelque part. Tous les écrits, pourtant d’auteurs différents, contenaient le même minuscule symbole sur leur couverture ou une de leurs premières pages, comme un S couché dont le début et la fin tenteraient de se rejoindre.
Mais où avait-il bien pu le voir ?
C’était le matin même, il en était certain, mais il ne savait plus où exactement. Il espérait juste que ce n’était pas dans le bureau qu’il avait fouillé, mais était retourné sur ses pas afin de vérifier.
*
Viktor avait vu l’adolescent partir discrètement. ‘Bien trop discret pour être honnête.’ pensait-il, et c’est pourquoi sa curiosité maladive le fit suivre Roshynn, persuadé que ce dernier préparait un mauvais coup qui leur apporterait bien des problèmes.
Il tenta tant bien que mal de ne jamais perdre de vue le petit voleur, tout en restant suffisamment en retrait pour que ce dernier ne le repère pas. Il lui fallait juste savoir où il allait.
Toujours avec quelques pas d’écart, il suivait l’ancien vagabond parmi les dédales de Cariena. Des ruelles les plus pauvres, où détritus et corps se mélangeaient à même le sol, dans la crasse et la poussière, jusqu’aux passages des commerçants aux bourses remplies, dont les facilités à vivre prenaient le pas sur les relations humaines et décoraient portes et fenêtres de fioritures dorées et clinquantes, en passant par les coins obscurs, lieux de villégiature des détrousseurs et des Gardes à la main leste, suivre Roshynn lui donnait l’occasion de visiter Cariena comme personne ne le fait jamais : dans tous les sens possibles.
Malheureusement pour le nain, le jeune homme était un chouia plus vif que lui, et plus rapide, ce qui lui donnait l’opportunité d’atteindre rapidement des endroits inaccessibles, ou demandant pour ses petites jambes un détour considérable.
Et c’est lors d’un de ces détours qu’il le perdit de vue un court instant, puis totalement.
*
Ayant regagné sa chambre quelques secondes après le départ d’Yggturah, Dame Lys se perdait dans ses pensées. Elle savait pertinemment que l’attaquer sur la non-officialisation de leur relation le faisait chaque fois se renfermer, mais elle ne pouvait s’empêcher de lui rappeler ce qu’elle ne supportait plus. Elle estimait indispensable, pour gagner la confiance de leurs hommes de main, d’agir en toute honnêteté face à eux. Il serait impensable vis à vis de ses projets de leur donner l’opportunité de renier leurs décisions à tous deux.
Si cela arrivait, tous leurs efforts seraient réduits à néant et le Fléau continuerait de se propager, et d’asseoir le pouvoir de Carien.
Sa chambre était plus propice au calme et à la réflexion. Les drapés de satin prune recouvrant son lit, le baldaquin en mousseline de soie et les meubles en bois recouvert de dorures et de pierres inestimables, la gardaient dans son luxe originel. Elle se serait bien abstenue de ces richesses inconnues de la plupart des guerriers qui vivaient au même endroit qu’elle, mais Yggturah avait tenu à ce qu’elle reste dans son élément, même parmi eux, afin que tout un chacun se souvienne de ce qu’elle était réellement, c’est à dire la dernière rescapée d’une famille de marchands assez bien établis pour ne plus avoir eu à se soucier de leur train de vie, du moins jusqu’à ce que le Fléau les rattrape.
Et donc celle qui les paierait une fois leur œuvre accomplie. Allongée sur ses draps, le regard dans le vide, elle réfléchissait à tout ce qui leur restait à faire avant même de trouver la Pierre, et à toutes les répercutions possibles une fois celle-ci détruite. Est-ce qu’Yggturah avait envisagé les mêmes choses, et tout ce travail qui les attendait ?

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