
Si vous me lisez, c’est que ma quête a pris fin. Pendant des siècles, j’ai lu et entendu tout et n’importe quoi à mon propos. Ce recueil est ma vie, par-delà les mensonges, les rumeurs, les omissions et l’ignorance.
Je suis né en 1330.
Environ.
A l’époque, mes parents ne s’inquiétaient pas vraiment du temps qui passe. Moi encore moins.
C’est Pontoise, au nord de Paris, qui m’aura vu naître. Qui m’aura vu grandir. C’est à Pontoise, aussi, que j’ai réchappé de la Peste Noire, sans raison vu l’hécatombe qu’elle fut. Elle aura emporté avec elle mes parents, mon frère, les fondations de ma vie.
Après elle, Pontoise n’était plus qu’un décor sans âme, plus personne n’arpentait la boulangerie familiale dans laquelle j’étais à présent le seul à travailler. Plus rien ne me retenait ici. Ce fut alors le moment de quitter cette ville et m’en remettre à une autre : Paris me tendait les bras.
‘Ici -m’avait dit un de mes cousins avec humour- il te faudrait une grande force de volonté pour arriver à ne pas trouver de travail !’. Ce fut d’ailleurs lui qui m’accueillit.
Il fit de moi un copiste ; un reproducteur, entre autres, d’enluminures. Et l’un des plus talentueux.
Je ne l’ai pas inventé, il le disait lui-même. Il me fit voir les choses autrement, et je finis par rejoindre sa vision des choses : ‘Soit, la farine et l’encre apportent toutes deux bonheur. Mais seule la seconde dure éternellement.’
C’est donc grâce à lui, et à Paris, que je commençais ma seconde vie.
Où mes talents m’apportèrent une réputation certaine, suffisante que pour je puisse démarrer mon propre commerce de copiste.
Où je pus m’établir près de l’Eglise Saint-Jacques-La-Boucherie, en plein cœur de la ville.
Où ma réputation m’apporta des demandes diverses et variées, allant de la copie d’actes administratifs à celle d’ouvrages à la rareté indéniable.
Et où deux évènements changèrent ma vie à tout jamais.
Tout d’abord ma rencontre avec Perenelle, veuve par deux fois, qui vînt quémander mon aide pour la retranscription du testament de son époux. Ce dernier perdit la vie dans un bain de sang lors d’une querelle familiale, au cœur de laquelle se trouvait ce-même testament qu’il venait juste de changer à l’avantage de sa jeune femme.
Ce fut une tâche ardue que de retrouver le lettrage, l’encre fraîche ayant été grassement diluée par le sang du pauvre homme.
Puis, la même année, je devenais libraire-juré, rattaché, donc, à l’Université, et ma réputation en grandit encore. En contrepartie, l’homme étant foncièrement jaloux et malavisé, les rumeurs les plus folles commencèrent à courir à mon sujet, tournant principalement autour du fait que mes talents me permettraient d’établir des copies si parfaites que je serais souvent enclin à conserver les originaux pour ma collection personnelle. Cette dernière vaudrait ainsi fortune royale.
Et j’aurais ainsi en ma possession des documents me donnant tous pouvoirs sur les grands de France… et du monde.
Deux ans plus tard, Perenelle et moi nous marrions, d’un amour sincère mais d’un acte soudé par un legs mutuel de nos biens, chacun voulant laisser à l’autre de quoi largement lui survivre, si le cas se présentait.
Par la suite, les requêtes me parvenant prirent une toute autre dimension. C’est là que ma voie devint celle d’un Observateur et qu’il me fut particulièrement difficile de la garder secrète. Et de me garder sauf.
C’est pourtant ce que le monde aura oublié de moi.
Mais c’est ce que je veux ne jamais oublier.
Ni cette voie,
Ni ce qu’elle m’a apporté,
Ni ce qu’elle m’a fait perdre.
En plus de tout le reste, on me dit Alchimiste. Le plus grand ayant jamais existé.
Celui ayant découvert tous les secrets de cet art après des recherches obsessionnelles, et des sacrifices insensés.
En réalité, le destin ne m’en a pas laissé le choix.
J’ai pour nom Nicolas Flamel.
Et ceci est ma mémoire
-NF-

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